Une idée reçue motarde: Tirer les rapports jusqu’au rupteur est contre-productif

Par Remi Darodes | Publié le 20 août 2024

Une idée reçue motarde: Tirer les rapports jusqu’au rupteur est contre-productif

« Rien ne sert de rupter, il faut savoir gazer à point » nous disait le conteur « La Soupape »… En effet, pour exploiter la capacité d’accélération maximale de son moteur, le mieux, est de pratiquer ce que les pilotes appellent le « short-shifting », comprenez : le passage de vitesse anticipé.

Explications.



On a tous tendance à laisser l’accélérateur ouvert en grand le plus longtemps et le plus fort possible lorsque l’on s’énerve au guidon, comme par exemple sur une spéciale de Rallye, surtout lorsque l’on débute. Exprimer notre hargne et assouvir notre soif de vitesse dans un mouvement de poignet agressif. Et pourtant, pousser ses cylindres au rupteur est contre-productif et ferait même aller moins vite. Et c’est un champion WSBK et pilote de développement MotoGP qui le dit.

Short-shifting, la technique incontournable des top-gun

"More is less" , explique Sylvain Guntoli dans la langue de Shakespeare. Raison pour laquelle les pilotes de mondial utilisent tous la technique du short-shifting, ou passage de vitesse anticipé. Elle consiste tout simplement à passer le rapport avant d’atteindre la zone rouge et donc le rupteur de son moteur. 

Ce qui offre plusieurs avantages :

* cela permet de profiter de toute la puissance de sa moto, car le sommet de la crête de puissance d’un moteur est quasiment tout le temps situé avant les tours/minutes max. D’ailleurs, certains constructeurs communiquent parfois indépendamment leur valeur de puissance maximales et le régime max de leur mécanique. Exemple : l’Hypermotard 698 Mono, dont le rupteur est annoncé à 10 250 tr/min et la puissance max de 77.5 ch à 9,750 tr/min. Ce n’est pas beaucoup en dessous, mais cela démontre déjà que la puissance maximale est atteinte avant le limiteur. Dans les faits, en usage sport et piste, on ira jamais à ce limiteur.


Courbe de puissance d’une BMW R1250 GS, sur laquelle la puissance max est situé à 7 730 tr/min et le rupteur à 9 000 tr/min

* cela permet évidemment aussi de gagner du temps au chrono, jusqu’à une demi seconde ! Et pour plusieurs raisons :
* ça évite la coupure de puissance qu’entraîne un rupteur, laquelle peut créer des mouvements d’assiette délétères au châssis et affecter la stabilité et la précision de la moto.
*ça limite les wheelings pour une poussée plus constante, continue et efficace, facilitant aussi le guidage de la moto
*ça favorise la vitesse de passage en courbe, car diminue le frein moteur (ndr : à doser avec précision, car c’est aussi le frein moteur qui fait tourner) et le rend aussi moins agressif, ce qui apporte encore de la stabilité 
*ça permet de gagner en traction, car cela favorise le couple plutôt que la puissance, ce qui rend la moto moins nerveuse à la remise du filet de gaz (ndr : mais aussi plus piègeuse, car la puissance fait glisser quand le couple peut carrément faire décrocher)
*ça permet d’anticiper l’effet « d’enroulement de braquet » qui peut engendrer des rupteurs et donc une rupture nette de l’accélération sur l’angle (ndr : ce phénomène donne plus de régime à votre moteur sur l’angle, car la circonférence d’un pneu est moins grande sur le côté qu’au milieu, ce qui, par effet de démultiplication, fait tourner le moteur plus vite à vitesse égale lorsqu’on est sur l’angle). 

Tous les avantages de performance présentés ci-dessus peuvent aussi se traduire en avantages de confort sur la route. Puisque l’intérêt principal du short-shifting est globalement de rendre la moto moins nerveuse et plus stable dans toutes les phases de pilotage. Typiquement, vous le pratiquez sans doute sans le savoir… Par exemple lorsque vous montez un rapport entre deux virages dans un col, vous bénéficiez alors de la meilleure traction de votre moto au niveau de son pneu sans brutalité et avec la sensation que la moto est portée par son moteur. Le Short Shifting est aussi précieux dans les sorties de rond point par exemple. Cela dépend aussi beaucoup de votre façon de conduire, de l’architecture de votre moteur et de sa cylindrée – sur un gros twin, le passage de vitesse anticipé est très appréciable.
Remi Darodes



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